« Mon enfant. Mon cher enfant. Si tu lis cette lettre, c'est que je ne suis plus capable de m'assumer. Je sais que tu es encore jeune. Tu as la vie devant toi mais je veux quand même te faire savoir que je t'aime. Ton père aussi t'aime, même de là où il est. Mon chagrin est grand, fils. Mon chagrin, c'est mon amour, cet amour incommensurable que je lui porterai toujours. Seulement, il s'est ... transformé en ce chagrin. Cette douleur au fond de mon esprit qui fait que je ne puis plus avancer. Il me manque cette présence à côté. Ce n'est plus qu'une ombre à présent. Je ne peux me contenter d'une ombre, égoïste que je suis ... Mais je ne suis pas là pour radoter des paroles de vampires malheureux. Si je t'écris, et si tu lis un jour ce papier, c'est surtout parce que je n'arrive plus à m'occuper de tout ce que je faisais avant, que je suis tombée tel le soldat au combat. Si tu lis, tu verras tout ce que tu as fait, tes qualités, tes défauts, tes réussites et échecs et surtout une chose, la fierté de
tes parents qui est plus que tout au monde présente ! Lis mon fils. Lis et ne t'arrête jamais.
Notre rencontre entre ton père et moi fut vraiment magnifique. C'était le début du printemps. Tu sais le moment que je te montre tout le temps chaque année. Là où il y a un étang avec des arbres tout autour qui produisent de magnifiques fleurs. J'étais là, à côté de l'étang, je contemplais sa beauté, son intensité et toute sa bonté. En le voyant, je voyais l'infini de la vie, la continuité, la périclité de toutes histoires. Et un homme est apparu à côté de moi. Je ne l'avais ni entendu arriver, ni vu auparavant. Il m'avait tiré de mes songes mais il avait bien l'intention de m'en donner d'autres. Il s'était mis là parce qu'il avait vu une âme
mélancolique plutôt nostalgique. Nos yeux ne se sont pas croisés sur le moment. Nous regardions l'étang afin de comprendre les mystères de la vie. Il faut que tu saches, même si tu le sais déjà, que tous deux étions dans une mauvaise passe de notre vie. Moi j'avais perdu mes deux parents alors je m'étais enterrée dans mes souvenirs. Puis nos yeux se sont croisés. En lui je voyais un océan d'intelligence. Ses yeux bleus comme le saphir reflétaient une telle lucidité et envie de continuer à avancer qu'il a réussit à m'en transmettre l'envie. Jamais je n'oublierai ce moment.
Tu es né en mars. C'était la concrétisation de l'un de nos plus beaux rêves avec ton père. Nous souhaitions un enfant et voilà que Nyx nous accordait ses faveurs. Elle nous donnait ce que nous avions toujours tellement souhaité : un fils. Enfin, moi je voulais une fille mais lorsque je t'ai vu, toutes mes espérances se sont réalisées : j'avais enfin une famille complète. Ton père et moi étions fous de joie. Tu ne peux savoir à quel point. Tu étais là criant à pleins poumons tel la vie à sa naissance, criante de vérité. Déjà petit, tu ressemblais à ce que tu es actuellement. Une toute petite touffe de cheveux témoignait de ta couleur. Tu étais brun tel ton père. Et puis tout petit tu avais des yeux bleus. On nous disait qu'il ne fallait pas croire que tu les garderais puisque beaucoup d'enfants à la naissance les avaient de cette couleur. Mais nous avons espéré !
Et tu as grandi comme tous les enfants quels qu'ils soient. En grandissant, tu devenais le plus beau garçon de tous les temps confondus, selon nous. Tu avais conservé les yeux bleus de ton père même si tu les avais mélangés avec les yeux verts de ta mère. Tu étais magnifique. Tes premiers mots furent une telle joie. Très fluettes comme si tu étais un castra. Je m'inquiétais d'ailleurs que tu conserves cette voix plus tard. Oui je l'avoue, je n'y connaissais rien en matière d'enfants. D'ailleurs aujourd'hui je crois que c'est plus toi qui nous a éduqués que l'inverse. Les inquiétudes d'une mère qui n'y connait rien ... tu comprends ?
D'ailleurs, quand je revois ton enfance comme cela dans ma tête, cela me fait penser à une anecdote que j'apprécie beaucoup. Tu le sais mais je le redis, tu as grandi dans la musique. Ton père jouait du violon et moi-même, de la contrebasse. Souvent on jouait à la maison vu que nous invitions du monde constamment grâce à notre renommée. Et toi, à chaque fois que tu entendais les sons de nos instruments, tu t'égayais, tu essayais de nous montrer ta joie. Enfin, nous l'avons interprété ainsi. Quelle joie, immense. Tout le monde nous félicitait. Plus pour avoir un enfant comme toi que pour la musique que nous venions de jouer.
Alors on t'a donné un instrument. Tu devais avoir dans les trois ans, quatre peut-être. L'instrument en question, tu le connais bien. La lyre. Cette fabuleuse lyre à laquelle tu tiens toujours autant. Nous ne pensions pas réellement que tu jouerais correctement. Je te le dis. Mais tu nous as agréablement surpris. Au départ, tu tirais sur les fils comme si c'était des poils de chat. Et finalement, après t'avoir montré, tu as vite pris goût à la musique. Tu avais déjà grandi avec la musique, et maintenant tu incarnais la musique en elle-même. C'était fabuleux. Tu étais notre petit surdoué, notre fierté. Plus immense encore que notre propre réussite. Tu es toujours notre fierté, sache-le !
Plus tu grandissais, plus ton talent grandissait. A cette époque nous n'avons pas su te garder avec une âme d'enfant. Nous te prenions déjà pour un musicien. Tu as été condamné à jouer, à cause de nous. Oui, tu comprends surement ce que je te dis. Tu n'allais pas t'amuser avec les voisins, même ceux de ton âge, tu ne parlais quasiment pas malgré ta débordante énergie infantile. Là, tu te contentais de rester avec ta lyre, ta seule compagnie. C'était à la fois étrange mais tellement naturel pour deux musiciens. Comme je le dis : « Nous t'avons bridé ». Tu aurais pu devenir bien plus ouvert grâce au contact avec les autres de ton âge mais non. La musique, la musique, la musique et encore elle, toujours, à jamais. A défaut de te parler, nous te faisions chanter. Au départ, c'était catastrophique. Mais l'oreille musicale avait été conservé dans la famille alors bien vite tu as su chanter à peu près juste. Quoique tu ais toujours eu, et as encore, il me semble, des problèmes le « re ».
Autant aller jusqu'au bout de nos actes. Nous t'avons envoyé dans cette école ... l'une des plus prestigieuses pour petits talents comme toi. Les cours dispensés étaient surtout axés sur le chant, la musique, la poésie. Ainsi tu as su t'ouvrir grâce à cette école même cela n'était pas trop cela. Ta gentillesse était tellement naïve que tu te laisses, excuse-moi du terme, bouffer par les autres. Heureusement, ton talent a su t'aider puisque c'est lui qui a protégé la niaiserie de ta gentillesse. Aujourd'hui encore, je ne peux que le constater, tu es extrêmement bienveillant même si tu sais ce que valent les gens. Ta pratique grâce à cette école s'est totalement développée. Tu arrivais à jouer, tu connaissais déjà beaucoup de choses sur la musique et la poésie, le chant aussi.
Mais toute cette chaleur que te dispensait l'école t'en faisait oublier les cours avec tes professeurs à la maison. Il me semble d'ailleurs que c'est à ce moment que tu as développé un peu ton côté absent. Tu n'allais pas à tes cours particuliers touchant tous les domaines et t'en oublier presque tes diverses activités. Tu étais absent comme si tu étais à la fois ici mais ailleurs. Certains disent désormais « être dans la lune ». Nous nous faisions beaucoup de soucis à ton sujet. Non pas que tu étais muet mais tu parlais peu, ou disait juste l'essentiel. Oubliais beaucoup trop de choses, faisant passer certaines choses avant d'autres.
Nous nous inquiétons mais nous ne faisions rien. Là encore se retrouvait l'éducation que nous te faisions. Laxiste mais surtout dénuée de sens puisque nous ne savions pas tellement comment éduquer un enfant. Et puis demander à une personne extérieure aurait bien entendu baissé notre fierté. Mais après tu as été marqué, là, se fut pour nous un tel soulagement de voir que tu étais un des « nôtres ». Non pas que nous ne t'aurions pas aimé si le cas inverse s'était produit mais, la fierté encore ... tu comprends ...
Nous avons fêté cela bien entendu. Enfin, rapidement. Autour d'un verre, pas le temps d'organiser une grande fête puisque nous ne pouvions tout simplement pas. Nous t'avons envoyé manu militari à la fameuse école de la House of Night où ton père avait fait ses quatre ans. Pas moi comme tu le sais vu que je n'habitais pas là à l'époque. D'après les visites et puis les nouvelles que nous avions de toi, tu semblais heureux, épanoui, content, aimable enfin tout ce qu'il fallait pour redresser la barre de ton petit échec avec tes oublis continuels.
Le peu de fois que nous venions te voir, vu notre emploi du temps chargé, nous avons bien vu que tu étais épanoui dans ce que tu faisais. Même si nous déplorions le fait que tu sois encore là sans y être. Puis ta scolarité s'est terminée et se fut pour toi une vraie chance que de démarrer ta vie de véritable vampire. Mais avant de débuter quoique se soit, tu devais bien entendu venir à la maison, revenir à la case départ, le commencement. La vie prenait un tel cours. Trois musiciens à la maison et en plus toi tu clamait des vers à tout rompre. C'en était limite frustrant de voir à quel point tu arrivais à faire des alexandrins ou des rimes à tes phrases sans que cela en soit faux.
Mais tout bonheur quel qu'il soit se doit d'avoir une durée déterminée par avance. Le notre ne dura pas si longtemps que ça. Lorsque ton père est mort, soit il n'y a quelques semaines, je n'ai pu cesser de voir toutes les choses que j'ai oublié de lui dire. Les « je t'aime » que l'on dit dispensables ou bien même toutes les choses que nous n'avons pas faites. Sache qu'il t'aimait, il t'aimait encore et encore. Moi aussi je t'aime. C'est pour cela que je t'envoie cette lettre comme une bouteille à la mer. J'ai besoin de ton aide, j'en ai besoin ... Il me manque autant physiquement que psychologiquement. Il était ma flamme, moi le flambeau, il s'en est allé, il s'est éteint laissant le flambeau humide par la pluie diluvienne de mes larmes et de ce chagrin.
Irydessa J. Lewis Carowll, la mer.
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« Maman. Je sais qu'à l'heure actuelle tu ne répondra pas. J'ai déjà quatre vingt deux ans. Je n'ai jamais eu le courage de répondre à cette lettre que tu m'as écrite. Mais quelqu'un m'en a donné le courage sans forcément en être consciente. Tu sais, je suis professeur maintenant. Je suis sûr et certain qu'avec Papa vous devez être fiers de moi. De mon côté, je suis fier de vous. Si je t'écris cette lettre, c'est pour la finir. Compléter les blancs qui sont mentionnés et puis finir l'histoire, finir la boucle, terminer le livre, la saga. Je vous aime vous savez, je vous aime ...
Tout ce que tu as dit est véridique mais certaines zones sont floues. Si je prends par exemple l'école dans laquelle vous m'aviez placé étant jeune, c'était dur au départ, très dur. Je n'étais jamais sorti du cercle familial, des alentours de la maison seul. Là, j'étais abandonné. En tout cas, c'était l'impression que j'avais lorsque je me suis retrouvé avec tous ces petits êtres qui pensaient avoir les derniers talents. Au départ, je me suis laissé engloutir. Que voulez-vous ? Certains avaient déjà eu l'éducation de papa, maman pour contrôler les autres. De la sorte, ce fut une période difficile jusqu'à ce que je trouve ma voie réelle dans cette école. J'ai appris à aimer encore plus ce que je faisais et ce fut une véritable révélation. Je ne parlais pas mais cela ne m'empêchait pas d'avoir des amis fidèles sur qui compter. L'école allait bien mais malheureusement ... un petit détail vint chambouler le tout ... tu le sais.
Le fameux marquage que vous attendiez tant ! A force de vous entendre en parler et voir que vous souhaitiez que je sois marqué, cette « chose » m'a fait peur. Je ne savais pas en quoi cela consistait et j'avais peur de vous décevoir. C'était un après-midi. J'étais dans le jardin de l'école avec mon instrument préféré donc, la lyre. Je me prenais un peu pour ce dieu de la mythologie, Pan, et je m'étais mis sur une grosse branche d'un arbre. Et lorsqu'il est arrivé. J'ai de suite compris qu'il n'était pas de l'académie. Il m'a dit des mots incompréhensibles et j'ai ressenti une forte douleur au niveau de la tête. Je ne savais pas tellement ce qu'il m'arrivait. Et en plus, je savais que je devais tout quitter pour aller dans cette école.
Au début je me sentais perdu. On me disait : « Il faut que tu ailles voir ceci, cela » ... Et puis des tonnes d'informations à ingérer et surtout à pouvoir ré-utiliser, c'était dur. En plus ... je n'étais jamais vraiment allé à l'école. Toujours avec mes professeurs particuliers donc je n'arrivais pas à m'y faire. L'intégration fut dure. Le plus dur je crois, se fut de savoir que dans la chambre où j'allais, une personne décédée y avait résidé. Je n'arrivais pas à me faire à cette idée. Je me renfermais un petit peu mais bien vite avec le cours de poésie, je me suis totalement rouvert. J'avais l'occasion de faire ce que j'avais toujours voulu. Le choix fut difficile entre la musique et la poésie mais finalement, j'ai tranché, et regarde ce que je suis devenu ... Tu ne peux le voir bien entendu.
Les quatre années sont passées comme du petit pain. J'étais tellement heureux. Je faisais ce que je souhaitais, j'avais des amis, j'étais entouré de bonheur, je vivais dedans. C'est donc avec une grande joie que je finis mes quatre années malgré la perte de temps à autre de certains camarades. Je suis donc rentré à la maison pour passer du moment avec vous avant de savoir dans quelle branche me lancer. L'écriture de poème, les dire à haute voix, ou cocher la case « Autre » ? On ne savait pas. Mais encore une fois, tout ne se passa pas comme prévu puisqu'un évènement perturbateur vint chambouler à jamais notre vie.
La mort de papa, je peine encore à en parler. Mais là, je ne le dis pas, c'est écrit sur un papier qui ne parviendra jamais à personne. Il était tellement pour notre famille. C'était un peu comme dans une voiture, le moteur. Moi, je n'arrive pas à me faire à l'idée qu'il soit parti. C'est pour cela surement que j'ai mieux encaissé que toi. Quand tu as su, tu as de suite sombré. Comme s'il était ton maintien, ton appui ... Maintenant, je vois ce que l'amour t'a fait. Il t'a détruit parce que ton partenaire n'est plus là. Tu es amorphe et ne réagit même plus. Tu ne cesses de fixer un point qui n'existe même pas. J'aimerai tellement retrouver la maman que j'ai toujours connue.
Oui parce qu'après sa mort, tu t'es laissée mourir. Bien entendu, j'étais là pour m'occuper de toi mais les premiers mois furent extrêmement difficiles à supporter. Je sortais juste de l'école, j'étais censé partir de la maison et puis finalement ... Tout le monde nous avait abandonné de surcroit. La célébrité et le cercle amical, ça s'entretient ... J'ai du m'improviser dans un métier que je ne connaissais pas du tout. J'avais un peu de visite de personnes qualifiées mais sinon ... Rien rien. Puis moi même je me suis laissé abandonné dans la décrépitude de la vie. Je laissais mon sort entre les mains de qui le voudraient bien.
Puis il y a eu ce jour. Un de ces jours où la vie te sourit enfin. Tu te dis que ce n'est pas possible, ce n'est pas pour toi ... Je regardais le journal et j'y ai vu un titre. « Officiel : Les postes de professeur de Poésie et de Musique se sont libérés à la Maison de la Nuit !». Là, ce fut une certaine révélation. Cette annonce, j'ai du la triturer dans tous les sens tellement je souhaitais faire quelque chose de ma vie. Alors j'y suis allé. Et puis ... j'ai été accepté ! Maman. Je suis désormais professeur de poésie. Cela va faire quelques années déjà ... enfin quelques ... j'avais vingt quatre ans lorsque j'ai déposé ma candidature.
Le temps ne me parait pas long. Je sais que tu m'aurais posé la question. J'aime ce que je fais et tu me l'as toujours dit : « Aimer c'est ne pas voir passer le temps ». Effectivement, tu as raison. La vie m'a sourit, oui je peux le dire. Et plus les années passaient et plus j'avais mon expérience qui grandissait. Et puis les élèves, les cours se suivaient mais ne se ressemblaient pas. Et ce caractère toujours, non pas timide, mais à l'écart s'amplifia. Normalement cela aurait du être le contraire puisque j'étais au contact des élèves mais non. J'étais de plus en plus à l'écart tout en offrant mon épaule pour qui voulait parler.
Contrairement à certains de mes collègues, cela ne me gène pas de rester avec mes élèves pour discuter ou pour éclaircir un point qu'ils n'ont pas compris. Mais en parallèle de la HoN, je m'occupe toujours de toi petite maman puisque tu es là, et que tu restes ma mère. Je veille sur toi même si la journée c'est une autre personne qui prend soin de toi. C'est à HoN que je m'épanouis, c'est là-bas donc que je reste la plupart de mon temps. J'y fais des rencontres comme Aaron, un autre professeur que je considère comme un ami.
Il y a aussi Chuck même si l'histoire avec celle-ci est compliquée. Mais le coup le plus important c'est Helena. C'est grâce à elle que je t'écris cette lettre. C'est elle m'a motivation. Elle ne parle pas, comme si elle avait subit un traumatisme. Je me suis fortement attaché à elle et pourtant, je sais qu'elle a plus de chance de rejeter la transformation étant donné qu'elle ne tente pas de faire tout ce que l'on demande correctement. Elle me rappelle tellement ce que j'étais dans l'enfance. Elle est un peu comme une amie, une sœur, une fille. Enfin, tout ce qu'il pourrait y avoir de bien.
Jacob. Ton fils à jamais.